Philip Gayle, guitariste de Houston spécialisé dans l'improvisation, et Richard Chokalian, percussioniste de jazz de renom dans la scène de Houston, se sont réunis le temps d'enregistrer quelques sessions communes, alliant leurs divers talents d'improvisation. Le jeu de guitare de Gayle est ma foi assez particulier, utilisant tour à tour une guitare de quatre, six et douze cordes, essentiellement acoustiques, passant d'un style classique, voire oriental, aux tribulations les plus expérimentales. La batterie suit les pérégrinations hasardeuses de la guitare, par caresses ou par fracas, insufflant un rythme salutaire aux expérimentations douloureuses de son acolyte de fortune. L'ensemble sonne en définitive comme un jazz urbain avant-gardiste, basé sur l'improvisation pure, allant au gré des envies et des surprises, dans un magma sonore tantôt déstructuré et grinçant, tantôt léger et virevoltant.

Sur cet album enregistré live, la sensation d'expérimentation est renforcée par l'absence d'autre instrument que la guitare de Philip Gayle. Les notes se succèdent à un rythme effréné, puis s'adoucissent, s'espacent, pour mieux rebondir et engloutir l'espace dans une cacophonie ahurissante. Parfois l'atmosphère devient tendue, les nerfs à vifs, puis la tension s'estompe docilement, pour finalement réapparaître. Une musique difficile d'accès, qui reflète dans son ensemble les possibilités sonores infinies de la guitare, dans tous ses états, dirigée par un sentiment de pure improvisation, telle une mandoline indomptable, une guitare fébrile.

Le mancunien Steve Gears, leader des formations dub expérimentalistes et électroniques 7% Solution et B-Dum B-Dum Sound, s'était discrètement fait remarquer par sa contribution à l'album "Cobalt" d'In The Nursery sorti sous le nom Les Jumeaux. Il sort finalement son premier album, avec l'aide précieuse de plusieurs de ses amis et admirateurs, tels Colin Newman (Wire), Karl Mc Ginley (Basie V. Vebster) ou Jamie Crossley (Sonica Grande). Cet album est pour le moins surprenant, et d'une originalité sans faille. Un son intense, enveloppant et pénétrant, d'une force impressionnante, envahit l'atmosphère et règne souverainement, imperturbable. On reconnaît certes les racines dub, électroniques et expérimentales de Steve Gears, mais ses compositions recèlent de trouvailles sonores divines, de mélodies bénies des dieux, d'atmosphères uniques et mystérieuse. Comme si Gary Clail, Mark Stewart et Wire s'étaient réunis sur le même disque, tentant l'expérience d'un folk lunaire mélancolique. Une musique fascinante, presque pop dans ses arrangements, mais teintée d'une mystérieuse aura, d'un venin incisif et charismatique, d'une force viscérale, contenue et mystique, à l'instar des compositions acides de Martyn Bates d'Eyeless in Gaza. Les 9 titres de Dip s'imposent avec douceur, lentement et sournoisement, caressant les notes, ondulant au-travers de ces ambiances brumeuses, oppressantes et hypnotiques. Musica Maxima Magnetica, superbe label italien connu pour son éclectisme et son bon goût légendaire, prouve une nouvelle fois son indéniable talent à dénicher les perles rares uniques en leur genre.

Phlegraei clôt la trilogie débutée avec Gnosticorum (2000) et Laldabaoth (2001). Phlegraei est le nom de la ville de Pozzuoli en latin, cité qui se trouve près de Naples et du Vésuve. Un lieu magique et historique, baigné de mythes et de légendes, de feu et de lave, de traditions séculaires, véritable melting-pot culturel, qui a vu en ses terres les Grecs, les Egyptiens et les Romains. Francesco Banchini, le talentueux multi-instrumentiste percussionniste d'Ataraxia, nous offre à nouveau un vrai bijou mystique et passionnant, une aventure sincère au-travers des âges, des cultures, avec en ligne de mire ces entêtantes et enivrantes ritournelles médiévales, ces réminiscences orientales, ces ballades mélancoliques et intemporelles à l'instrumentation d'une richesse inouïe. Flûte, violon, guitare, didgeridoo, percussions, clarinette, …etc. On retrouve même sur le superbe titre Consolamentum le violon indomptable de Roms, ainsi qu'un chœur croate. Malgré cet éclectisme impressionnant, l'œuvre de Francesco Banchini reste très cohérente, alignant une succession rêvée de morceaux divins à la beauté fulgurante. Un mélange de musique traditionnelle et de mélodies folks du plus bel effet font de ce disque un des plus réussis dans un genre pourtant très périlleux. A nouveau, Prikosnovénie fait figure de label d'exception avec un catalogue à la qualité époustouflante.
Indispensable, tout comme les deux premiers disques de cette trilogie, qui hisse Gor parmi les formations les plus talentueuses et innovantes de la Péninsule. Très fortement recommandé !!

Après d'obscures sorties sur vinyles et CD-Rs, ID Battery, projet expérimental américain associant les talents de Loren Chasse et Brandon LaBelle, nous revient avec un 7" sorti en août 2002 sur l'excellent label allemand Drone Records.
Il s'agit ici de la première édition limitée à 250 copies. Le vinyle de couleur jaune tachetée de noir vient dans une pochette originale, réalisée de manière artisanale par Loren Chasse et Jim Haynes.
Les deux titres présents sur ce 7" ont été enregistrés lors de leur performance au festival 'Activating the medium' à San Luis Obispo en 1998, puis retravaillés pour les besoins de cette sortie.
'The foot' est un savant mélange de drones, d'enregistrements sonores originaux livrés dans leur forme brute, de bruits divers répétitifs, comme des raclements, des bourdonnements vocaux... une musique que l'on pourrait aisément qualifier d'organique et de microscopique par la richesse des divers sons utilisés et par l'impression de vie qui en découlent...
Un 7" à découvrir sans plus tarder!

Connus pour leurs performances scéniques et leur électronique musclé, les Ivanovitch DLO sont de retour après 8 ans d'absence avec un CD intitulé 'trans level'. Composé essentiellement d'enregistrements effectués dans leur home studio entre octobre 2000 et décembre 2001, 'trans level' révèle une musique électronique largement minimaliste 'au croisement des sons d'hier et d'aujourd'hui' pour citer les mots du groupe.
Pour amateurs d'électronique minimaliste avant tout...

Quel album étonnant... et détonant. Le disque est entièrement dédié au légendaire Romano Poal, né en 1945 et mort en 2001. Ce dernier travailla toute sa vie dans la musique et se spécialisa dans l'écriture de musique de films. Malgré un talent indéniable, il ne parvint jamais à atteindre une certaine reconnaissance et mourut dans l'anonymat le plus complet. L'artiste électronique suisse Kid Chocolat travailla donc sur ce disque, en forme d'hommage, en s'inspirant du matériel conséquent laissé par Romano Poal, retraçant dans l'ordre chronologique sa carrière musical ainsi que chaque partie de sa vie pour créer cette œuvre testamentaire unique. Avec une imagination déconcertante et un talent diabolique, notre monsieur chocolat impose une texture sonore riche et dense, une écriture électronique savante et variée, combinant avec un aisance déconcertante l'utilisation de samples divers pour aboutir à une texture luxuriante de délires électroniques, de pop music rafraîchissante et de jazz des années 40. Un cocktail explosif ralliant toutes les générations musicales de ces 60 dernières années, parvenant à explorer des contrées atmosphériques et groovy, des mélodies primesautières et délicates, des ambiances psychédéliques, des sonorités rétros, avec une désarmante candeur, une simplicité indécente, sur fonds de samples géniaux, de guitares discrètes et d'électronique clinquante. Un album intense, riche et enchanteur, apportant une nouvelle fraîcheur au sein de la grande famille électronique, rejoignant le clan très fermé des artistes les plus novateurs du genre.

Deux titres électroniques sombres composent ce .pastiche.excelsior. pour une durée totale avoisinant les trente minutes. Un premier morceau 'An effigy of decomposition', assez répétitif et riche de manipulations électroniques dérive progressivement vers des sonorités plus ambientes et industrielles. 'Elements of Disease' second titre plus ambient, intègre également dans sa composition des samples de voix, des percussions 'tribales', des réminiscences sonores à la fois industrielles et ethniques pour un résultat fort intéressant... Sorti sur le label américain snip-snip records, le CD-R est présenté dans une boîte DVD.

Absolument aucune information accompagne ce CD-R concernant les personnes impliqués dans ce projet aux consonances nordiques ':Laufeyiar Sonr:'. C'est donc quasiment sans aucun indice que l'on découvre ce travail avec un premier titre 'Etineorn' sombre, évoluant sur une ligne de drones laissant planer une impression menaçante tout au long des 2:19 que dure ce morceau. Une belle entrée en la matière.
Le second titre 'Ewet' se veut d'entrée plus bruyant, mélange ou télescopage d'effets et d'assauts sonores électroniques, martelant un rythme soutenu, sur un fond sonore volontairement assez sale... du power noise pas vraiment convaincant, à mon goût... En revanche, le dernier titre 'Erid' construit autour d'une mélodie rythmique répétitive aux doux relents eighties, présente en fond et laissant cycliquement libre cours à de violents assauts bruyants percussifs me paraît plus intéressant....
Au final treize minutes de musique assez variée allant du dark ambient au power noise, pour un projet prometteur.
A suivre...